50 000 déplacés au Manipur: CSI leur vient en aide

Attisée par les nationalistes hindous, la flambée de violence contre les chrétiens de l’État fédéré du Manipur a duré trois jours. Aujourd’hui, il reste la dévastation et l’horreur : quelque 70 morts, dont la plupart sont chrétiens, 260 églises endommagées ou détruites, environ 50 000 déplacés. CSI fournit une aide humanitaire et juridique sur place.

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Parmi les chrétiens déplacés, des milliers d’enfants vivent dans le camp de Churachandpur. csi

 

CSI vient au secours des victimes

CSI n’abandonne pas les déplacés au Manipur qui ont fui les affrontements de mai 2023. En collaboration avec des organisations chrétiennes locales comme la Meitei Baptist Convention, nous approvisionnons environ vingt-quatre mille personnes en nourriture et en produits d’hygiène dans les camps d’accueil.

Comme le rapporte Anugrah Kumar, l’aide humanitaire est en partie torpillée par les Meitei hindous. Ainsi, des volontaires qui voulaient distribuer des biens de secours dans divers camps du district de Senapati ont été interceptés par un groupe de Meitei hindous qui s’est mis en travers de leur chemin, leur a dérobé tout le matériel humanitaire et a enfermé les bénévoles dans une pièce pendant plusieurs heures.

Malgré de tels incidents, les partenaires de CSI sur place font tout pour apporter de l’aide aux déplacés. Parallèlement, ils veulent aussi s’engager juridiquement pour les victimes. Ainsi, ils ont l’intention de porter plainte au nom des chrétiens qui ont perdu leurs maisons et leurs églises à cause des saccages. L’objectif de cette intervention est de garantir aux chrétiens déplacés de pouvoir recouvrer une partie de leurs biens, de les indemniser pour leurs pertes et de s’assurer que les auteurs des exactions soient punis.

Des motifs religieux

Les attaques dévastatrices contre les ethnies chrétiennes du Manipur constituent l’une des pires campagnes jamais menées contre les chrétiens en Inde. De nombreux chrétiens meitei convertis ont également été victimes des Meitei hindous. Cela prouve que c’est bien la religion qui a motivé les violences, alors que jusqu’à présent, les conflits étaient plutôt focalisés sur l’appartenance ethnique.

Dans l’État fédéré du Manipur (nord-est de l’Inde), les relations entre les tribus majoritairement chrétiennes et les Meitei majoritairement hindous sont tendues depuis longtemps. Il existe dans cette région plusieurs ethnies chrétiennes, essentiellement rattachées au grand groupe des Kuki. Le 3 mai 2023, plusieurs d’entre elles, notamment les Zomi, ont organisé des manifestations pacifiques dans la localité de Churachandpur pour protester contre la demande des Meitei d’obtenir une reconnaissance tribale qui leur permettrait d’avoir des sièges réservés au Parlement, un soutien spécifique dans le domaine de l’éducation, des emplois qui leur seraient exclusivement attitrés ainsi que le droit d’acquérir des terres dans les zones tribales kuki et une protection accrue de la propriété.

En réaction à ces manifestations, certains Meitei ont mis le feu à l’entrée d’un cimetière de guerre où sont enterrés des Kuki. Lorsque ces derniers ont appris la nouvelle, des militants kuki sont arrivés en camion pour endommager quelques maisons de Meitei. Espérant des actions de vendetta, les Meitei se sont empressés de diffuser cette information sur les réseaux sociaux en ajoutant que des Kuki auraient violé leurs femmes et tué un de leurs enfants pendant les manifestations.

Plus de dégâts en 3 jours qu’en 30 jours au Khandamal en 2008

Tout s’est alors rapidement emballé. Des foules d’extrémistes hindous meitei s’en sont pris massivement aux Kuki, prétendant avoir le soutien du gouvernement nationaliste hindou. Ils ont été particulièrement actifs à Imphal, la capitale du Manipur.

Au moins 70 personnes ont été tuées, dont une majorité de chrétiens. Environ deux cent soixante églises, y compris plusieurs qui appartenaient à des Meitei convertis, ont été endommagées, détruites ou incendiées. Quant aux maisons saccagées, elles ne se comptent même pas. Selon Anugrah Kumar *, responsable CSI pour l’Inde, les trois jours de violence contre les chrétiens au Manipur ont fait plus de dégâts que les trente jours d’exactions au Kandhamal en 2008 !

Ce n’est que tard dans la soirée du troisième jour, le 5 mai, que la situation a commencé à se calmer. Il faut dire que l’armée s’était déployée et que la police avait reçu l’ordre de tirer à vue. Les soldats ont emmené des milliers de personnes pour les héberger en lieu sûr.

Ces évacuations ainsi que les expulsions violentes ont touché environ cinquante mille personnes, dont environ trente-cinq mille chrétiens kuki. Beaucoup d’entre elles ont fui pour trouver refuge dans les environs de Churachandpur, une région majoritairement chrétienne située à soixante kilomètres d’Imphal. Mais dans la capitale de l’État elle-même, il n’y a pratiquement plus de chrétiens.

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Parmi les chrétiens déplacés, des milliers d’enfants vivent dans le camp de Churachandpur. csi

Une brutalité épouvantable

Anugrah Kumar s’est rendu à Imphal à la mi-mai 2023. Il souligne à quel point la situation était encore tendue dix jours après le début des violences : « Pour me protéger, trente hommes armés m’accompagnaient en permanence. » Il s’est ensuite rendu seul dans la région chrétienne de Churachandpur.

Les discussions avec des chrétiens déplacés dans des camps d’accueil à Imphal lui ont fait prendre conscience du cauchemar qu’ils ont vécu. « Beaucoup de nos maisons ont été réduites en cendres. Les biens qui ont été épargnés par le feu ont été pillés ou détruits », raconte une chrétienne d’Imphal qui attend d’être évacuée. Parmi les églises de la vallée d’Imphal qu’elle a vues, pas une seule n’a été épargnée. Mais ce n’est pas tout : « Nos bibles ont été profanées, les extrémistes les ont piétinées et ont uriné dessus ! »

Une autre femme d’une quarantaine d’années est tout aussi désespérée : « Les assaillants ont volé tous nos animaux, cochons, vaches et buffles, pour les emmener dans leurs villages. On nous a enlevé tout ce qui nous était cher. »

Avec sa famille, une chrétienne âgée dans un camp attend aussi d’être évacuée vers la région de Churachandpur. Elle est extrêmement choquée par ce qu’elle a vécu : « Parmi ceux qui n’ont pas pu s’enfuir, plusieurs ont été brûlés vifs, en particulier les personnes âgées et des handicapés ! » Elle-même a tout perdu et se retrouve sans vêtements de rechange : « Que pouvons-nous faire tout seuls ? Nous dépendons de votre aide. »

 

Anugrah Kumar | Reto Baliarda

* Nom fictif

Les ethnies chrétiennes sont toujours plus discriminées

L’ethnie des Meitei, majoritairement hindoue, vit principalement dans la vallée d’Imphal, alors que les ethnies chrétiennes habitent dans les collines environnantes. Les hindous représentent environ 50 % de la population du Manipur alors que les chrétiens environ 25 %. Les Meitei dominent la vie politique et économique de ce petit État fédéré du nord-est de l’Inde. Depuis la victoire électorale du parti nationaliste hindou Bharatiya Janata Party (BJP) en 2017, le ministre en chef du Manipur, Nongthombam Biren Singh, fait avancer son « programme antitribal ». Ainsi, il vient de classer une grande partie des zones où se trouvent les habitations des ethnies chrétiennes comme « réserves forestières ». Les habitants qui y vivent depuis plusieurs générations sont désormais considérés comme des occupants illégaux.

Selon certaines informations, ce ministre aurait également ordonné la démolition d’églises dans la capitale Imphal, car elles auraient été construites sur des terrains gouvernementaux.

En avril 2023, la Cour suprême du Manipur avait ordonné au gouvernement de l’État fédéré d’accéder à la requête de la communauté des Meitei qui avait demandé de bénéficier d’une protection spéciale, discriminant ainsi les autres ethnies.

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