Un tribunal nigérian reconnaît le droit d’une femme à devenir chrétienne

Un tribunal du nord du Nigeria a rendu une ordonnance protégeant une jeune femme de 18 ans convertie au christianisme contre des membres de sa propre famille qui menaçaient de la tuer pour avoir abandonné l’islam. Cette décision indique que le droit fondamental de changer de religion est bien en vigueur et doit être garanti au Nigeria, même dans les États fédérés qui appliquent la charia (loi islamique).

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Appareil judiciaire de l’État de Borno, Cour d’appel de la charia (photo Facebook).  Douze États du nord du Nigeria, dont l’État de Borno, ont introduit la charia.

 

Mary Olowe (nom fictif), âgée de 18 ans, a été menacée de mort par son père et ses frères après s’être convertie au christianisme, a rapporté ADF International. Craignant pour la vie de Mary, sa mère l’a aidée à s’enfuir et à trouver refuge dans une communauté chrétienne.

Après que Mary et sa mère eurent demandé une ordonnance restrictive, un tribunal de grande instance du nord du Nigeria a rendu une ordonnance d’injonction perpétuelle à l’encontre de son père et de ses frères.

L’ordonnance stipulait ce qui suit « Les défendeurs sont par la présente empêchés de menacer et d’attenter à la vie de la requérante suite à sa décision de passer de la pratique de l’islam au christianisme et de violer ses droits fondamentaux quant au choix de sa religion ou de ses pensées ».

Condamnations en vertu de la charia

On ne sait pas dans quelle région du nord du Nigeria vit Mary. Pour sa propre protection, peu de détails de l’affaire ont été communiqués. Cependant, 12 États du nord du Nigeria, majoritairement musulmans, appliquent la charia, qui interdit généralement aux musulmans de se convertir à d’autres religions (bien que les non-musulmans puissent se convertir à l’islam).

Dans ces États, la shari’a s’applique aussi bien au domaine pénal qu’au domaine religieux. Bien que l’application de la shari’a varie d’un État à l’autre, le blasphème semble être un crime capital dans tous ces États, selon le Council on Foreign Relations (CFR).

De même, les musulmans qui abandonnent ou remettent en question leur foi peuvent être poursuivis en vertu de la loi islamique. Dans l’État de Kano, un tribunal de la charia a condamné Omar Farouq, 13 ans, à 10 ans de prison en 2020 pour blasphème présumé, tandis que Yahaya Sharif, un musicien de 22 ans, a été condamné à mort la même année pour avoir partagé sur les médias sociaux une chanson dont les paroles étaient censées être profanes. Farouq a été innocenté et libéré l’année suivante, à la suite d’appels internationaux adressés au président de l’époque, Muhammadu Buhari. Il aurait fui à l’étranger. Yahaya est toujours en prison alors qu’il fait appel devant la Cour suprême du Nigeria.

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Christian convert Mary Olowe. ADF International

Les droits garantis par la Constitution

Ces affaires largement médiatisées mettent en évidence l’incompatibilité de la charia avec la constitution nigériane.

Au Nigeria, la liberté de pensée, de conscience et de religion est inscrite dans la Constitution comme un droit naturel. Le droit explicite de toute personne de changer de religion ou de croyance fait écho à l’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

En vertu de la Constitution, la loi fédérale prévaut sur la loi des États, y compris la shari’a. En délivrant une ordonnance de protection dans l’affaire Mary Olowe, la Haute Cour a reconnu que la Constitution prévalait en matière de religion.

Les autorités fédérales ont, par le passé, empêché l’exécution de peines inhumaines en vertu de la shari’a et ont annulé des décisions de la shari’a qui allaient à l’encontre de la loi fédérale, selon la CFR.

La loi du plus fort

Si les autorités peuvent empêcher l’exécution des jugements de la charia, elles sont souvent incapables ou peu désireuses d’empêcher les attaques de la foule contre les personnes accusées de conversion ou de blasphème.

La charia et les peines qu’elle prévoit semblent bénéficier d’un large soutien populaire dans les États où elle est en vigueur. Dans le cas de Yahaya Sharif, une foule a incendié sa maison après son arrestation, et il n’ay a pas eu de poursuites.

Cette culture de la violence collective a atteint son paroxysme en mai 2022 lorsque Deborah Emmanuel Yakubu, étudiante chrétienne à Sokoto, a été lapidée et battue à mort par ses camarades de classe, et son corps brûlé, après avoir été accusée de blasphème.

Les autorités policières locales n’ont pas fait grand-chose pour mettre fin à l’attaque une fois qu’elle avait commencé. Seuls deux agresseurs ont été arrêtés, et les accusations portées contre eux ont été condamnées par l’Association du Barreau nigérian comme n’étant rien de plus que des coups de poing. Ces accusations ont incité des foules à incendier des églises à Sokoto et à exiger la libération des agresseurs.

Les accusations se multiplient

Les accusations de blasphème et les rassemblements de foule se sont multipliées dans les jours qui ont suivi l’assassinat de Yakubu. Mme Jatau, qui a partagé une vidéo condamnant apparemment l’attaque contre Yakubu, a elle-même été accusée de blasphème et est emprisonnée depuis mai 2022. Quelques heures avant l’ouverture du procès de Mme Jatau à Bauchi le 16 décembre, une foule en colère s’est rassemblée devant le tribunal de grande instance. Selon certaines informations, des jeunes musulmans avaient prévu de saisir Mme Jatau des mains des gardiens de prison et de la lapider à mort au moment où elle serait amenée au tribunal.

Ces violations de la liberté religieuse s’ajoutent aux niveaux extrêmes de violence et d’insécurité au Nigeria, alimentés par une insurrection islamiste dans le nord-est du pays et par les attaques des militants islamistes peuls dans la Middle Belt. Selon un rapport d‘Intersociety, 5 068 chrétiens ont été tués au Nigeria en 2022.

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