
En Inde, la vie devient de plus en plus difficile pour les minorités. Dans l’État fédéré du Chhattisgarh, les chrétiens souffrent particulièrement. Les autorités les mettent sous pression pour les pousser à émigrer. Ce système de déracinement affaiblit tout un pan de la population et la rend particulièrement vulnérable.
Lors de son dernier voyage en Inde en février 2017, la responsable de mission CSI et la collaboratrice de CSI Corinne Germann ont pu visiter quelques pasteurs qui sont harcelés depuis de nombreuses années. Ils endurent la violence et la discrimination. Nos partenaires locaux estiment qu’après le Cachemire, l’État fédéré du Chhattisgarh est le théâtre du plus grand nombre d’attaques contre les chrétiens en Inde.
Nous avons visité la famille Digal* dans un village isolé. Lorsque nous sommes arrivés, on nous a demandé de nous dépêcher de descendre de voiture et de rentrer dans le bâtiment. Seulement trois semaines auparavant, une foule de plus de 350 personnes avait encerclé la maison du pasteur où il était en train de célébrer un service religieux. La foule furieuse criait, frappait contre le bâtiment et réclamait que le pasteur sorte. Trois femmes et l’épouse du pasteur sont venues devant la porte pour apaiser les gens. « À peine sorties, les agresseurs nous ont tiré les cheveux, ils ont déchiré nos vêtements et nous ont frappées. Nous avions une peur bleue », raconte l’une des femmes agressées. Le fils du pasteur a pris des photos de l’attaque ; lui aussi a été maltraité par la foule.
D’autres membres de l’Église ont réussi à faire rentrer les victimes dans la maison. Entre-temps, on avait alerté la police qui est arrivée peu après. Mais au lieu d’arrêter les assaillants, la police a sommé le pasteur de garantir qu’il ne tiendrait plus de culte. De cette façon, dans l’immédiat, le calme s’est rétabli.
Or l’après-midi, une foule encore plus nombreuse a surgi, a encerclé la maison du pasteur et l’a fortement endommagée. Des menaces de mort ont été hurlées. La police s’est rapidement rendue sur place et a emmené le pasteur Digal ainsi que quatre autres membres de l’Église au poste de police. Là, elle a extorqué au pasteur une déclaration écrite affirmant qu’il ne célébrerait plus de services religieux dans cette maison. Le pasteur a cédé à la pression et il a signé le document.
Au cours des treize dernières années, l’Église du pasteur Digal a déjà vécu sept attaques. « Nous avons été menacés et battus à plusieurs reprises. La tension est omniprésente. Mais nous avons un profond amour pour ces personnes, nous resterons ici. Nous désirons qu’elles aussi puissent faire l’expérience de l’amour de Dieu comme nous avons pu la faire. Pour prendre cette décision, l’aide juridique mais aussi matérielle apportée par l’équipe d’entraide a été pour nous un grand soutien. »
Cette équipe d’entraide existe grâce à nos partenaires de Delhi qui ont constitué au Chhattisgarh un réseau d’avocats, de pasteurs et d’assistants sociaux. Ce réseau permet la mise en place d’une aide rapide sur place.
En Inde, le gouvernement possède beaucoup de propriétés foncières, souvent totalement isolées et en jachère depuis des décennies. Les plus pauvres utilisent ces terrains pour y construire de petites habitations. Durant des générations, des familles habitent donc sans souci sur ces terrains. De nombreux pasteurs utilisent également cette possibilité, vu que les Églises n’ont souvent pas d’argent pour acheter une parcelle.
Or, au cours des dernières années, les autorités se sont servies de cette zone grise pour créer des problèmes à des personnes qu’elles voulaient incommoder. Le pasteur Digal, lui aussi, a construit sa maisonnette et sa petite église sur une telle parcelle. C’est pourquoi les autorités ont le droit de lui interdire la célébration de services religieux. Actuellement, le pasteur Digal espère que son Église mère, la New India Church of God, sise à Kerala, le soutiendra financièrement afin qu’il puisse acheter un terrain et y construire un petit bâtiment.
Un collaborateur local nous explique que la situation pour les minorités et les tribus s’est aggravée depuis 2005, date à laquelle le parti hindou nationaliste BJP est arrivé au pouvoir dans l’État du Chhattisgarh. Ce parti désire un État sans « religions étrangères ». Tous les non-hindous sont chassés, souvent d’une façon perfide afin que le public ne l’apprenne pas. Les hindous nationalistes sèment la zizanie parmi les chrétiens ; il existe des institutions nommées « Églises organisées » qui sont en fait protégées et payées par l’État pour témoigner contre les « Églises non organisées ».
Ainsi, l’État trouve toujours des témoins qui se prononcent contre les chrétiens « non organisés ». En 2007, par exemple, une « action de nettoyage » a eu lieu dans 300 villages du nord du Chhattisgarh. Plus de 60 000 personnes ont dû fuir. Là où ils arrivent, ils n’obtiennent pas d’autorisation de résidence. Ils ne peuvent donc pas travailler légalement et n’ont pas d’accès aux services médicaux. Les enfants ne peuvent pas aller à l’école. Cette tactique sournoise vise à affaiblir les minorités qui deviennent souvent victimes de la discrimination, de l’exploitation et même de la traite des êtres humains. Le travail de CSI en Inde contribue à donner une nouvelle perspective à ces personnes opprimées.
La responsable de mission CSI pour l’Inde
* Nom fictif
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