
En décembre 2017, le gouvernement irakien a déclaré officiellement que l’État islamique (EI) était vaincu. Mais la paix et l’ordre ne sont pas rétablis. Aujourd’hui encore, de nombreuses personnes vivent dans des camps de déplacés. CSI était sur place et a distribué des vêtements et vestes d’hivers aux nécessiteux.
L’hiver dans le nord de l’Irak est rigoureux. En décembre 2019, CSI a mis sur pied une action de distribution de vêtements chauds en collaboration avec nos partenaires de l’association Hammurabi Human Rights Organisation. Cette action a atteint 1 350 enfants déplacés parmi les plus pauvres.
Notre première visite nous mène au camp de Nishtiman (« patrie » en kurde), à Erbil. J’y étais déjà venue en décembre 2017, mais la plupart des visages sont nouveaux. La majorité de ceux qui vivaient là à cette époque ont pu soit retourner chez eux dans la plaine de Ninive soit partir à l’étranger. Mais d’autres ont pris leur place : des réfugiés syriens ou des déplacés irakiens qui ne peuvent ni rentrer chez eux ni payer un loyer à Erbil. « Ici, nous vivons comme une seule famille, nous dit le responsable du camp. Peu importe si l’on est Syrien ou Irakien, chrétien ou musulman. »
Je fais la connaissance d’un jeune père de famille de Bartella, une localité de la plaine de Ninive. Avant 2014, la majorité des habitants était chrétienne, avec environ 3 500 familles. Jusqu’à aujourd’hui, moins de 40 % d’entre elles sont rentrées * et Bartella est habitée en grande partie par les Shabak chiites.
Les chrétiens hésitent à rentrer. Pourquoi ? Comme ce jeune père de famille, de nombreux chrétiens ont eu leur maison détruite. Mais ce n’est pas tout : les chrétiens se méfient également de la milice shabak qui compte plusieurs milliers de personnes et qui est basée à Bartella. Mon interlocuteur préfère vivre comme déplacé plutôt que de vivre dans ce qu’il appelle « un ghetto chrétien » qui doit se faire discret à l’ombre d’une milice capricieuse.
La présence de nombreuses milices aux intérêts divers inquiète les experts, tout comme les signes d’un ravivage des tensions entre l’Iran et les États-Unis. Les Irakiens craignent de se retrouver pris entre ces deux feux, une crainte qui se réalise avec l’assassinat début janvier 2020 par un drone américain sur sol irakien du légendaire général iranien Ghassem Soleimani et d’Abu Mahdi al-Muhandis, le chef d’une importante milice chiite irakienne.
Les chrétiens, souvent attaqués en représailles contre les Américains par le passé, se sentent extrêmement vulnérables et craignent de devenir une fois de plus des boucs émissaires.
Nous visitons aussi des enfants déplacés yézidis vivant dans les environs de Duhok, parfois dans des camps officiels et parfois simplement dans des villages avoisinants. La plupart ont été chassés par l’État islamique (EI) du district de Sinjar. Certains viennent même de Syrie, surtout de la région d’Afrin. Tous ces enfants ont perdu un ou plusieurs membres de leur famille dans les attaques de l’EI qui avaient pour but l’éradication de cette ancienne communauté ethnoreligieuse enveloppée de mystère. Certains ont été kidnappés par l’EI et ont été récemment libérés. Tous sont profondément traumatisés.
« Notre communauté survivra-t-elle ? » interrogent presque tous les responsables yézidis que je rencontre. Leur communauté s’efforce de trouver un chemin vers l’avenir, mais elle fait face à d’énormes défis. Elle doit notamment parvenir à aider leurs enfants et leurs femmes qui avaient été enlevés par l’EI à être réintégrés dans leur communauté, mais elle doit aussi assurer que leur langue, leur culture et leur religion soient transmises à la génération suivante.
Les yézidis se sentent abandonnés du monde entier et se trouvent soumis à une grande pression, autant de la part du gouvernement local que de plusieurs milices. Ils sont profondément reconnaissants pour notre solidarité. Je n’oublierai jamais le sourire rayonnant de quelques-uns de ces orphelins yézidis.
Responsable CSI pour l’Irak Hélène Rey
* Chiffres de l’Aide à l’Église en détresse (AED).
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