07 juillet 2011

CSI ne combat-elle que les symptômes au Soudan ?

Dans un commentaire sur notre site internet, un lecteur estime que la libération des esclaves ne sert à rien en ce qu’elle ne prend pas le mal à la racine mais combat uniquement ses résultats ; selon lui, on devrait lutter politiquement contre l’esclavage. Il soulève à juste titre des questions importantes auxquelles nous répondons ci-après.

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Le commentaire de R. S.

« C’est bien et beau de racheter les esclaves, mais à long terme ça ne sert pas à grand-chose. Des esclaves libérés sont remplacés par d’autres. Chaque esclave libéré signifie qu’une autre personne libre sera asservie. Tout mon respect pour les personnes qui s’engagent pour ces esclaves ! Mais ne serait-il pas plus sensé de prendre le mal à la racine en combattant l’esclavage sur le plan politique et social, au lieu de mener une lutte contre les symptômes ? »     

Prise de position du directeur de CSI

Cher Monsieur S.,

Merci beaucoup de nous avoir fait part de ces suggestions ! Nous nous prononçons volontiers sur vos déclarations.

Il n’est heureusement pas exact de supposer qu’un esclave libéré est remplacé par un nouvel esclave. Les esclaves au Soudan ne sont pas des forces de travail indispensables, comme cela était le cas au temps de l’esclavage aux États-Unis. Ils sont plutôt considérés comme un butin de guerre et font figure de trophées ou de symboles du statut social, en étant les objets de la cruauté de leurs maîtres. Depuis le traité de paix de 2005, les Arabes n’entreprennent plus d’expéditions criminelles dans le Sud et il n’y a donc pas d’asservissement d’autres Sud-Soudanais.

Il y a plusieurs années, CSI a été accusée de favoriser l’esclavage par le rachat d’esclaves. Cependant, nous auditionnons et photographions chaque esclave libéré et nous n’avons jamais constaté que des Arabes auraient enlevé une seconde fois une personne que nous aurions déjà libérée.

Vous avez entièrement raison quand vous dites que le problème doit être pris à la racine et qu’il faut combattre l’esclavage sur le plan politique et dans la société. C’est précisément ce que nous faisons surtout depuis les États-Unis, et cela pour deux raisons : d’une part le responsable de notre mission au Soudan, M. John Eibner, est Américain et entretient dans son pays des contacts avec des personnalités influentes ; d’autre part, les États-Unis ont évidemment plus de moyens d’action sur le plan international que la Suisse.

Une recherche des faits consciencieuse

Dans les années 1990 déjà, l’attention de CSI a été attirée sur l’esclavage au Soudan. Nous nous occupions surtout des attaques systématiques contre des villages civils, perpétrées par des milices nord-soudanaises. Pendant la guerre civile, ces attaques faisaient partie de la stratégie militaire du Nord-Soudan pour semer la terreur. Les milices assassinaient surtout les hommes, détruisaient les villages et pillaient les ressources agricoles. Ils déportaient aussi les femmes et les enfants.

CSI voyage avec des journalistes

Après avoir soigneusement étudié cette situation et acquis de l’expérience sur place, CSI a commencé à s’engager sur différents niveaux. D’une part, nous avons poursuivi notre campagne de libération d’esclaves, en étant volontairement suivis par les médias. Nous emmenions donc régulièrement des journalistes et des équipes de télévision pour documenter les actions de libération. Ces situations terribles ont ainsi été présentées au grand public pour la première fois. Cela a permis d’augmenter la pression sur le gouvernement nord-soudanais. Il a dû répondre à des questions désagréables (notamment dans le cadre de l’ONU) pour déterminer son implication dans ces crimes de guerre. Nos observations ont confirmé que les milices ont dû devenir plus prudentes. Les raids contre les villages sont devenus plus rares et le nombre de personnes déportées a rapidement diminué.

Le gouvernement des États-Unis passe à l’action

Nous avons alors élargi notre action : une large coalition a été formée aux États-Unis, regroupant différentes organisations politico-économiques pour faire pression sur le Nord- Soudan. Nous avons pu inciter plusieurs sénateurs à exercer leur influence sur le gouvernement. Cela a abouti à des mesures prises par le gouvernement américain pour imposer des restrictions commerciales importantes contre le Nord-Soudan. Le régime mis sous pression a été poussé à entamer des négociations de paix avec le Sud-Soudan. La conclusion de la paix de 2005 a mis fin à une guerre civile qui durait depuis 1983. CSI faisait partie des invités à la signature solennelle du traité. Les raids contre les villages du Sud ont donc trouvé leur terme à la conclusion de la paix.

Par la suite, de nombreux esclaves ont été libérés par leurs maîtres par crainte de poursuites pénales. Selon une estimation prudente, il y aurait cependant encore plus de 30 000 personnes victimes de l’esclavage au Nord-Soudan. Le but principal de CSI au Soudan est aujourd’hui de libérer ces personnes et de les délivrer de leurs souffrances.

Meilleures salutations.

Benjamin Doberstein, directeur CSI-Suisse

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